Répondre à l’appel du sacrifice, voilà une mission qui pourrait nous sembler héroïque, voire impossible. Ce n’est pourtant pas le cas. Il s’agit de reconnaître Dieu pour ce qu’il est et de vivre en conséquence. Cette invitation n’est pas réservée aux géants spirituels. Au contraire, « les géants de Dieu ont toujours été des hommes faibles qui ont accompli de grandes choses pour Dieu parce qu’ils comptaient sur sa présence à leurs côtés », comme l’a déclaré le missionnaire Hudson Taylor.

Ils comptaient sur la fidélité de Dieu. Dans le sacrifice, pas de paillettes ni de glamour. On nous a inculqué qu’il faut accomplir des choses exceptionnelles pour Dieu, mais c’est faux. En réalité, il nous faut être exceptionnels dans les choses ordinaires de la vie: par exemple, en restant droit dans une situation professionnelle malsaine, en pardonnant à quelqu’un qui ne montre aucun signe de repentance, en sacrifiant notre temps ou notre argent alors que cela nous coûte, en décidant de ne pas nous venger, etc. Tous ces exemples représentent de réels défis et vont à l’encontre de la tendance actuelle de notre société qui consiste à placer la barre de plus en plus bas.

Nous sommes incités à nous contenter d’un appel à la sainteté dilué, à accepter une croix seulement si elle est confortable et si je peux décider où et quand la porter. Par conséquent, nous échangeons la grâce glorieuse de Dieu contre une version altérée et dévaluée.

C’est le sujet de l’ouvrage incontournable de Dietrich Bonhoeffer intitulé Vivre en disciple: le prix de la grâce. Au sujet des chrétiens, il note que « tels des corbeaux, nous nous sommes rassemblés autour de la carcasse de la grâce à bon marché, et en avons bu le poison qui a fait mourir la vie de disciple à la suite de Jésus ». Il poursuit:

La grâce à bon marché, c’est la prédication du pardon sans repentance, c’est le baptême sans discipline ecclésiastique, c’est la sainte Cène sans confession des péchés, c’est l’absolution sans confession personnelle. La grâce à bon marché, c’est la grâce que n’accompagne pas l’obéissance, la grâce sans la croix, la grâce abstraction faite de Jésus-Christ vivant et incarné.
La grâce qui coûte, c’est le trésor caché dans le champ; à cause de lui, l’homme va et vend joyeusement tout ce qu’il a; c’est la perle de grand prix: pour l’acquérir, le marchand abandonne tous ses biens; c’est la royauté du Christ: à cause d’elle, l’homme s’arrache l’œil qui est pour lui une occasion de chute; c’est l’appel de Jésus-Christ: l’entendant, le disciple abandonne ses filets et le suit.
La grâce qui coûte, c’est l’Évangile qu’il faut toujours chercher à nouveau; c’est le don pour lequel il faut prier, c’est la porte à laquelle il faut frapper.
Elle coûte, parce qu’elle appelle à l’obéissance; elle est grâce, parce qu’elle appelle à l’obéissance à Jésus-Christ. Elle coûte, parce qu’elle est, pour l’homme, au prix de sa vie; elle est grâce, parce qu’alors seulement, elle fait à l’homme cadeau de la vie; elle coûte, parce qu’elle condamne les péchés; elle est grâce, parce qu’elle justifie le pécheur.
La grâce coûte cher d’abord, parce qu’elle a coûté cher à Dieu, parce qu’elle a coûté à Dieu la vie de son Fils – « Vous avez été acquis à un prix élevé » – parce que ce qui coûte cher à Dieu ne peut être bon marché pour nous. Elle est grâce d’abord, parce que Dieu n’a pas trouvé que son Fils fût trop cher pour notre vie, mais qu’il l’a donné pour nous. La grâce qui coûte, c’est l’incarnation de Dieu.

Prêtons attention aux paroles de Paul, un martyr du premier siècle, et à celles de Bonhoeffer, un martyr du vingtième siècle. Reconnaissons dans leurs écrits l’appel coûteux au renoncement, ainsi que les conséquences potentielles d’une existence offerte comme un sacrifice vivant. Tous deux étaient entiers dans leur volonté de donner leur vie, parce que tous deux avaient compris la grâce divine qu’ils avaient reçue. Ils faisaient implicitement confiance au caractère aimant de Dieu. Ils considéraient tous les autres accomplissements terrestres comme une perte à cause de l’excellence de la connaissance du Christ, Jésus, leur Seigneur.

Au fil de l’Histoire, de nombreux autres exemples nous sont donnés d’hommes et de femmes qui relèvent ce même défi. Sommes-nous prêts à les rejoindre?

Article extrait de Zélés pour Dieu, de Simon Guillebaud, parution en janvier 2021