Nous sommes tous tiraillés entre cynisme et idéalisme. Entre ces deux extrêmes, reste-t-il une place pour l’espoir? Nous proposons dans ces quelques pages de nous glisser dans cet espace infime. Notre exploration de la devise républicaine nous permettra-t-elle de dépasser les déceptions d’adulte et les rêves d’enfant?

Les injustices, les abus politiques et sociaux, ainsi que le flot incessant des souffrances de l’époque ont poussé les acteurs de la Révolution française à instaurer des droits et à poser de nouveaux fondements politiques.

La liberté, l’égalité et la fraternité pour tous.

Pas seulement pour les riches et les puissants. Depuis son origine dans un discours de Robespierre, cette devise est devenue la pierre d’angle de la République, gravée dans la Constitution. Cet idéal sert de rêve collectif et unificateur: c’est un projet exaltant, une vision, le ciment de la République. Il fédère la nation et suscite des engagements multiples. Que ce soit la maire d’une petite commune ou le professeur de français dans une banlieue délaissée, nombreux sont ceux qui s’engagent et servent avec abnégation, motivés par les idéaux de la République.

Deux siècles plus tard, il y a « encore des Bastilles à prendre ». En tant que lieu de « liberté, égalité, et fraternité », la République n’arrive pas toujours à la hauteur de nos aspirations, sans parler de nos rêves. Le monde est encore marqué par « les sanglots » de Baudelaire et les progrès politiques des deux derniers siècles n’ont mis fin ni à la souffrance ni aux déceptions.

Liberté, Égalité, Fraternité: une formule de rêve, un rêve qu’on attend, un idéal qu’on espère.

Rappelons-nous cette scène dans le film La Haine (1995) qui dénonce le manque de cohésion sociale. Trois jeunes sont perchés sur une hauteur parisienne avec vue sur la Tour Eiffel. Ils s’échangent des proverbes qu’ils méprisent: « Petit à petit l’oiseau fait son nid », etc., quand l’un sort « Liberté, Égalité, Fraternité ». La réponse, ironique, est cinglante: « Celle-là aussi, je l’ai, mais je la garde en stock pour les grandes occases ». Pour eux comme pour nous, cette formule sonne-t-elle creux? Renvoie-t-elle à un échec ou à une déception plus qu’à un rêve? Ou est-ce simplement que nos ambitions dépassent nos capacités?

Et si l’accomplissement de ce rêve n’était pas politique mais personnel? Et si notre environnement social n’avait qu’un impact tristement limité sur nos vies? Il est en effet possible de vivre une situation politiquement et socialement libre, égale et fraternelle, sans pour autant expérimenter ces trois principes de manière personnelle, au niveau du cœur. Pensons à Javert, le policier des Misérables, qui pourchasse Jean Valjean après son évasion de prison. Son obsession – retrouver le fugitif – le rend esclave alors même qu’il est libre.

Au contraire, il est possible de connaître une situation politique ou sociale injuste et de se sentir libre pourtant, égal aux autres et soutenu de manière fraternelle. Le ressenti de mon cœur et les circonstances auxquelles je suis confronté sont deux choses distinctes.

Et si le rêve fondant la devise républicaine pouvait devenir réalité?

Et si les désirs profonds du cœur humain, désirs qui donnent puissance à cette formule, étaient viscéralement inscrits en nous?

Et si ce trio faisait écho à une réalité plus large, voire éternelle?

Et si l’Évangile pouvait réaliser les rêves de notre cœur?

Et si la « bonne nouvelle » de Jésus permettait justement d’assouvir nos aspirations les plus profondes? Comment? En la recevant et en la vivant avec d’autres, au quotidien.

L’Évangile permet de vivre plus de liberté, plus d’égalité et plus de fraternité que nous n’oserions espérer. Même si cela ne ressemble pas toujours à ce que l’on imagine. Telle est la thèse de ce petit livre.

Extrait de Plaidoyer pour la véritable liberté, égalité, fraternité, de Edouard Nelson, paru en novembre 2020