Nous avons tendance à « réajuster » notre définition du péché, car d’instinct, nous savons que les gens jugent cette notion choquante. Même le mot les choque. Chacun sait que le monde ne tourne pas rond et je n’ai jamais entendu personne le trouver parfait. Mais nous employons toutes sortes d’euphémismes pour parler du péché, histoire de ne pas nous sentir personnellement concernés. Nous éludons la question en alléguant un simple dysfonctionnement biologique, en accusant notre éducation ou nos parents. Nous disons que c’est juste « un risque à courir pour progresser » ou « une occasion d’apprendre ». Nous essayons de rejeter la faute sur quelqu’un d’autre.

C’est peut-être pour cela qu’un récent président des États-Unis a déclaré qu’il ne trouvait  aucune raison de se repentir de ses péchés. Ce n’est pas un problème à ses yeux.

Le président précédent définissait le péché comme le fait de déroger aux valeurs qu’il s’était  fixées. Dans cette conception, le péché est notre problème à nous. C’est un échec personnel, une raison d’être déçu de soi-même. Mais ce n’est pas vraiment grave, car cela dépend de ce que nous considérons comme bien ou mal… et cette perception peut évoluer.

Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, le péché se rapporte à tout ce qui est en  désaccord avec Dieu et sa Parole. D’une part, chacun de nous en porte la lourde responsabilité et d’autre part, nous ne pouvons le rayer d’un trait de plume en le réduisant à une simple violation de nos valeurs personnelles. Pécher, c’est commettre une grave injustice contre Dieu.

David, le plus remarquable des rois d’Israël, auteur de nombreux psaumes, illustre très bien cela. Il a péché contre Bath-Chéba, en usant de son autorité pour qu’elle couche avec lui. Il a  péché contre Joab, en usant de son autorité pour l’inciter à tuer quelqu’un. Il a péché contre Urie, le Hittite, qui était l’homme à abattre. Enfin, il a péché contre son peuple, car il n’a pas été un bon dirigeant à cette occasion. Il a péché quasiment contre tout le monde, mais il en parle à Dieu en ces termes: « J’ai péché contre toi, contre toi seul » (Psaumes 51: 6).

Pourquoi? Parce qu’en fin de compte, tout ce mal fait aux autres, ce péché horizontal, comportait aussi une dimension verticale: c’était un affront et une offense à un Dieu saint. Lorsque nous péchons, nous ne nous écartons pas seulement de nos propres valeurs, mais aussi de celles de Dieu. Nous n’atteignons pas le standard de justice que Dieu attend de notre part.

Nous sommes coupables d’avoir enfreint sa loi sainte. Or, quiconque transgresse la loi mérite d’être puni. Le jugement doit tomber, et ce, non seulement parce que Dieu est en colère contre le péché, mais tout simplement parce qu’il est juste.

Mais si notre injustice fait ressortir la justice de Dieu, que dirons-nous? Dieu est-il injuste quand il donne cours à sa colère? – Je parle à la manière des hommes – Certes non! Autrement, comment Dieu jugerait-il le monde?
Romains 3: 5-6

Dieu doit juger le monde. Il doit juger les pécheurs pour que tout rentre dans l’ordre. Si certains d’entre nous ne ressentons pas le poids du péché et la nécessité de son jugement, c’est peut-être que nous n’avons jamais eu à subir de souffrances causées par des hommes impies. Je ne parle pas du conducteur qui aurait fait une queue de poisson ou de ce temps interminable à attendre au téléphone que le service client réponde. Je parle de la véritable impiété, de la véritable injustice, celle qui est grave. Quand vous la subissez, tout en vous hurle: « Ce n’est pas juste! ». Lorsqu’un crime odieux est commis, nous voulons que justice soit faite. Nous voulons que le coupable soit jugé. Il le faut et nous ne tolérons pas de le savoir en liberté.

C’est pourtant sur ce point que nous nous contredisons. Nous prenons grand soin à ce que les autres soient jugés tout en faisant abstraction de nos propres fautes – comme si elles n’étaient que des broutilles ou comme si nous n’y étions pour rien. Cela n’est pas cohérent. Nous avons tous commis l’injustice.

Le jugement de Dieu est donc une bonne chose. Un jour, Christ viendra nous juger et remettre de l’ordre dans le monde. Il n’empêche que le jugement de Dieu est terrifiant parce que les pécheurs, c’est nous.

Paul affirme cependant que nous sommes justifiés en Christ. Nous avons été déclarés  complètement innocents. Nous qui sommes criminels, nous ne subirons aucun châtiment parce que Jésus l’a pris sur lui:

Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu; et ils sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est dans le Christ-Jésus. C’est lui que Dieu a destiné comme moyen d’expiation pour ceux qui auraient la foi en son sang.
Romains 3: 23-25

Mais où est la justice ici? Comment un Dieu juste et équitable pourrait-il laisser les pécheurs en liberté et punir un innocent?

Ce paradoxe, nous le retrouvons précisément en Ésaïe 53.

Comment est-ce possible?

La prophétie commence en fait à la fin du chapitre 52, au verset 13. Certaines éditions ajoutent un titre à cet endroit: « Transpercé pour nos transgressions ». Ce passage raconte que ce juste, ce serviteur sans péché, souffre pour les crimes des méchants.

Une phrase de la prophétie reconnaît que cela peut paraître injuste: « Qui a cru à ce qui nous était annoncé? » (Ésaïe 53: 1). Cette histoire du serviteur souffrant est à peine croyable. Comment se fait-il qu’un être aussi juste subisse une punition aussi cruelle? Ce problème ne fait que s’aggraver dans le courant du chapitre.

Ésaïe décrit le péché de long en large, et il ne mâche pas ses mots à notre encontre. Il parle de « crimes » (v. 5, 8) et de « coupables » (v. 12). Il parle de « fautes » à trois reprises (v. 5, 6, 11). Il parle des pécheurs comme des « méchants » (v. 9). Il parle de « culpabilité » (v. 10). Il parle de « la violence » (v. 8), non pas celle que nous subissons, mais celle que nous infligeons. Tous ces mots nous dépeignent, nous et nos actions. Les enfants de Dieu, et nous en faisons partie, sont décrits comme des pécheurs égoïstes, qui refusent toute forme de loi et qui sont insensés. Ce portrait n’a rien de flatteur. Il s’agit de notre péché, de notre culpabilité.

En même temps, Ésaïe raconte que ce serviteur a souffert « quoiqu’il n’ait pas commis de violence et qu’il n’y ait pas eu de fraude dans sa bouche » (v. 9). Pas de tromperie. Avant lui, des gens qui faisaient le bien ont déjà souffert – comme Job –, mais Ésaïe précise que ce serviteur souffrant n’avait rien fait de mal. Aucune violence: ni dans son cœur ni dans ses actes. À aucun moment de sa vie. Aucune parole trompeuse, aucune pensée charnelle. Aucun péché, de quelque nature que ce soit. C’est ce qui rend sa souffrance si inconcevable. Elle semble si injuste! Il est puni pour des choses qu’il n’a jamais commises. Il est puni pour des choses dont nous sommes coupables:

Mais il était transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes; […] et l’Éternel a fait retomber sur lui la faute de nous tous.
Esaïe 53: 5 A , 6 B

Un flot grandissant de tourments se déverse sur ce serviteur: « Son aspect n’était plus celui de l’homme » (52: 14). Il a été « méprisé et abandonné » (53: 3). Il a été « frappé […] et humilié » (v. 4); transpercé, écrasé, blessé, opprimé, retranché, tué et enterré.

On a mis sa tombe parmi les méchants. Son sépulcre avec le riche, quoiqu’il n’ait pas commis de violence et qu’il n’y ait pas eu de fraude dans sa bouche.
Esaïe 53: 9

Comment est-ce possible? Comment se peut-il qu’un homme aussi juste subisse une punition aussi cruelle? Comment se peut-il qu’il soit sanctionné à la place du coupable?

Est-ce une erreur? Un cruel accident? Un terrible malheur? Après tout, des enfants de Dieu souffrent en permanence. Il est confronté à l’injustice et accusé à tort. Il doit endurer de terribles souffrances. Serait-ce encore une de ces fictions tordues écrites pour faire pleurer? Serait-ce un autre cas d’inhumanité de l’homme contre l’homme?

Non, il se passe quelque chose de plus grave. Ce serviteur souffrant, c’est le propre Fils de Dieu.