Auteur du nouveau livre Communiquer l’Evangile aujourd’hui, Marc Van De Wouwer a accepté de répondre à quelques questions d’Alexandre Lesage, membre du comité de BLF Éditions… Voici ses réponses en exclusivité:

L’évangélisation est un sujet qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Pourquoi donc écrire un nouveau livre sur le sujet?

S’il a fait couler beaucoup d’encre, cela veut dire que c’est un sujet intéressant! En ce qui me concerne, je vois au moins trois raisons pour écrire ce livre aujourd’hui.

Premièrement, le monde change. Si nous avons à transmettre un Evangile qui ne change pas, la façon de le communiquer doit prendre en compte les changements de pensée et de comportement de la société dans laquelle nous évoluons.

Deuxièmement, la connaissance de la Bible s’est appauvrie chez les chrétiens. Il est donc important d’expliquer ce que la Bible dit de l’Evangile mais aussi ce qu’elle dit de sa communication.

Troisièmement, il existe une étonnante similitude de paradigme entre le monde de Jésus et de ses apôtres et le nôtre. Eux, ont communiqué l’Evangile dans un monde païen préchrétien; nous sommes invités à le faire dans un monde néo-païen postchrétien. Plus que jamais, nous devons trouver inspiration et motivation dans la façon d’être et de faire de Jésus et des premiers chrétiens.

Vous mettez en avant un « modèle ». C’est un terme qui peut faire peur… ou même faire fuir. Que répondez-vous à ceux qui disent qu’il n’y a pas de modèle ou de méthode dans l’évangélisation?

Humblement, je répondrais qu’ils sont passés à côté d’une pépite contenue dans le Nouveau Testament et c’est regrettable. Tout d’abord, je voudrais rendre hommage à tout ce qui a été fait en matière de communication de l’Evangile pendant deux millénaires. Ici, il ne s’agit pas de faire table rase du passé. En effet, la seule mauvaise façon de faire est de ne rien faire!

Cependant, reconnaissons que depuis quelques décennies, notre approche de la communication de l’Evangile a souvent consisté à additionner des événements et à nous en remettre aux spécialistes. Rien n’est plus éloigné du « modèle » (j’insiste!) biblique qui mobilise chaque personne, chaque lieu, met en œuvre quatre méthodes génériques (action, rayonnement communautaire, proclamation et conversation). Il repose sur deux piliers (démonstration et explication de l’Evangile) et fonctionne selon six clés (intégralité, équilibre, complémentarité, contextualisation, engagement personnel et engagement communautaire).

J’invite ceux qui pensent et disent qu’il n’y a pas de méthode ni de modèle dans la communication de l’Evangile à le vérifier par eux-mêmes en confrontant le contenu de mon livre au Nouveau Testament. Le modèle biblique n’est pas contraignant. Au contraire, il propose un cadre, un espace de liberté où tous peuvent trouver leur place. Il permet de n’oublier personne, que ce soit dans l’Eglise et en dehors. Il permet de rejoindre toutes les souffrances, tous les besoins avec l’Evangile… comme Jésus et les premiers chrétiens.

Dans le Nouveau Testament, tout fonctionne par modèle. A trois reprises, l’apôtre Paul écrit: « Soyez mes imitateurs » (1 Corinthiens 4:16 ; 11:1 et Philippiens 3:17). Il précise: « comme je le suis moi-même de Christ. » Il invite les Philippiens à porter les regards sur ceux qui se conduisent selon le modèle qu’ils ont en eux, c’est-à-dire Paul et son équipe. En lavant les pieds de ses disciples, Jésus leur a donné un exemple pour qu’ils fassent comme il leur a fait (Jean 13: 15). Suivre Jésus-Christ, c’est aimer, agir et parler comme Jésus et ses apôtres. Ce principe ne serait-il plus valable lorsqu’il s’agit de communiquer l’Evangile?

L’évangélisation est-il un appel spécifique réservé à quelques-uns ou est-ce l’affaire de tous les  chrétiens? Si c’est l’affaire de tous, comment aider ceux qui s’en sentent incapables?

A celles et ceux qui se sentent « incapables », je dirais « bienvenue au club »! « Et qui est suffisant pour ces choses? », nous rappelle l’apôtre Paul (2 Corinthiens 2:16). La communication de l’Evangile n’est pas réservée aux spécialistes ou aux super-héros spirituels (qui n’existent pas). Ceux qui communiquent l’Evangile sont avant tout des serviteurs, comme l’écrit Paul (1 Corinthiens 3:5). Le mandat confié par Jésus de communiquer l’Evangile partout (Matthieu 28:19-20; Marc 16:15; Actes 1:8) est universel.

Tout chrétien est concerné, qu’il soit témoin ou témoin-évangéliste. L’histoire de la première Eglise est parlante. En effet, l’Evangile n’a pas atteint les « extrémités de la terre » par les seuls apôtres. Si c’est bien l’apôtre Pierre qui a proclamé l’Evangile en premier à Jérusalem (Actes 2), c’est l’Eglise collectivement qui a pris le relais en faisant rayonner l’Evangile, gagnant « la faveur de tout le peuple » (Actes 2: 47).

Les diacres ont convaincu par leur service, leur conversation et leur proclamation (Actes 6 à 8). L’Evangile a été annoncé en Judée et en Samarie par tous les « simples » chrétiens dispersés suite à une persécution, alors que les apôtres étaient restés à Jérusalem (Actes 8:1). L’évangéliste Philippe a enchaîné en proclamant le Christ à Samarie puis à un ministre éthiopien qui retournait dans son pays, etc. L’histoire de l’Eglise, de ses débuts à nos jours, démontre l’importance et la complémentarité de chacun dans la communication de la Bonne Nouvelle.

Toutefois, si nous sommes tous appelés à le faire, nous ne sommes pas tous appelés à faire la même chose! D’où l’importance de connaître et de comprendre le modèle biblique pour y trouver sa place en fonction de ses dons et capacités. Et c’est le rôle des responsables de l’église locale de nous y aider. Une fois cela fait, il est important de former les chrétiens dans leur domaine de service: proclamer l’Evangile, défendre la foi, mettre l’amour en action, faire rayonner l’Evangile ensemble, etc. En outre, les évangélistes sont prêts à épauler les responsables dans ce but. Le livre contient aussi des expériences et des applications pratiques pour chaque situation.

En reprenant les termes de John Stott, vous appelez les chrétiens à être dans une double écoute. Qu’est-ce-que cela signifie?

Le principe de « double écoute », développé par John Stott, invite chaque chrétien à se mettre à l’écoute à la fois de la Bible, parole de Dieu, et du monde. L’écoute du monde nous permet de connaître ses questions et de comprendre ses souffrances. L’écoute de la parole de Dieu nous permet de savoir comment elle peut répondre aux questions et apaiser les souffrances du monde.

Une mauvaise écoute du monde nous amène parfois à répondre à des questions que les gens ne se posent pas. De même, une écoute inattentive du monde nous empêche d’entendre la question derrière la question. Une écoute superficielle de la Bible peut soit nous laisser sans réponse, soit nous pousser à avoir réponse à tout. Rappelons-nous que Jésus-Christ n’est pas seulement la réponse mais qu’il était aussi parfois question. Nous ne pouvons pas écouter sans poser de questions. J’ai d’ailleurs consacré un ouvrage aux questions posées par Jésus dans les Evangiles ((Jésus en 25 questions).

Seule cette double écoute, empreinte de respect pour Dieu et de compassion pour l’être humain, nous permet de relier le monde à l’Evangile.

Selon vous, nous avons dans la Bible tout ce qu’il nous faut pour communiquer l’évangile aujourd’hui. Quels conseils donneriez-vous pour être renouvelés dans notre zèle pour la proclamation de la Bonne Nouvelle au travers de notre culte personnel?

De façon simple, et pour faire suite à la question précédente, ouvrons nos yeux et nos oreilles sur la Parole de Dieu et ouvrons notre cœur au Saint-Esprit.

1) Demandez d’abord au Seigneur de renouveler votre intelligence et votre motivation pour communiquer l’Evangile.

2) Relisez les Evangiles et les Actes des Apôtres sous l’angle de la communication de l’Evangile. Que faisait Jésus? Que disait-il? Quelle était son attitude? Comment s’y est-il pris avec Nicodème, la femme samaritaine, Zachée, les disciples et tous les autres? Quel était l’impact de la 1ère Eglise? Comment ont-ils convaincu? Comment les premiers chrétiens ont-ils parlé et agi? Comment les apôtres, les diacres, les évangélistes, les chrétiens ont-ils propagé l’Evangile?

3) Lancez-vous! Soyez témoin. Entamez des conversations comme Jésus. Servez votre prochain en l’aimant. Proposez des idées de service basées sur le modèle biblique. Engagez-vous dans les projets de l’Eglise. On ne peut progresser dans la communication de l’Evangile que par la pratique.

4) Revenez chaque jour dans la présence de Dieu pour lui partager vos succès et vos échecs. Demandez sa grâce. Puis, continuez, persévérez!

Vous soulignez le rôle de l’église locale dans l’évangélisation. Comment une église peut-elle être un encouragement pour ses membres, notamment dans leurs relations au quotidien?

Il faut le reconnaître: certaines églises locales sont davantage un rassemblement d’individus qu’une communauté. Ce qui attirait dans la première Eglise, au-delà de l’Evangile, c’était la force des relations interpersonnelles, au travers de l’amour et de l’unité. « La multitude de ceux qui avaient cru n’était qu’un cœur et qu’une âme » (Actes 4: 32). En tant qu’Eglise, nous sommes appelés à vivre l’amour, fruit du Saint-Esprit et à manifester l’unité en Christ. Il ne s’agit pas de créer artificiellement des liens mais de concrétiser ce que nous sommes « en Christ »: la famille spirituelle des enfants de Dieu en communion les uns avec les autres, unie par les liens du sang de Jésus-Christ.

Pour renforcer nos liens, comme toute famille, nous avons besoin de passer du temps ensemble, dans l’église et dans les maisons. Nos relations se renforcent aussi par des repas communautaires, par l’enseignement de la Bible en commun et par les prières les uns pour les autres, comme les premiers chrétiens (Actes 2: 42). Mettons cela en place activement. Et quand nous invitons des personnes non croyantes à se joindre à nous pour ces activités, nous rayonnons aussi de l’Evangile.

Le livre insiste sur le fait que tout ministère ou service dans l’église est une occasion de communiquer la bonne nouvelle. Que répondre à celles et ceux qui sont investis dans des tâches administratives ou ménagères et qui ne verraient pas le lien entre cet engagement et la proclamation de l’Evangile?

Contrairement au théâtre où quelques acteurs jouent sur scène et où la masse des spectateurs sont assis dans la salle, dans l’Eglise, nous sommes tous appelés à monter sur scène. En effet, nous sommes tous acteurs de la communication de l’Evangile. Mais comme au théâtre, il n’y a pas que des premiers rôles. Tous les acteurs, même les petits rôles, sont importants pour la cohérence et l’intérêt de la pièce. Sur la scène, derrière le décor, se trouvent les coulisses. Là, de nombreuses personnes invisibles s’activent pour que la représentation soit un succès. De même, dans l’Eglise, chaque acteur, actrice, technicien est important, indispensable même. Nous formons ensemble la chaîne de communication de l’Evangile. La chaîne est rompue et la communication est interrompue à partir du moment où il manque un chaînon, ou si un maillon cède.

Le rôle de l’Eglise et de chaque chrétien est de glorifier Dieu. C’est en portant du fruit que nous manifestons la gloire de Dieu et que nous sommes vraiment ses disciples, nous dit Jésus (Jean 15: 8). Porter du fruit, c’est communiquer l’Evangile. Si nous accomplissons notre rôle dans l’Eglise – aussi effacé et ingrat nous paraît-il – avec la conviction de participer au grand projet de Dieu, nous sommes effectivement un acteur ou une actrice de la communication de l’Evangile, au même titre que celui qui le proclame sur le devant de la scène.

Merci Alex pour l’interview et merci Marc pour tes réponses fournies et passionnantes!

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