Avant, je pensais que lorsque je parlais de Dieu, tout le monde comprenait qu’il s’agissait du Dieu de la Bible. Celle-ci décrit un Dieu personnel, puissant et doué d’intelligence, qui a créé l’univers et qui le soutient. Par la suite, je me suis rendu compte que beaucoup de gens pensent que je fais référence à un «dieu des lacunes». Ils pensent que je m’appuie sur un dieu que l’on invente pour combler les failles dans notre compréhension du monde, comme si je disais: « Je n’ai pas d’explication à ça, alors, c’est que Dieu l’a fait ainsi ».

Les Grecs de l’Antiquité vénéraient ce genre de dieux des lacunes. Ils ne comprenaient pas d’où venait la foudre, alors ils ont inventé un dieu de la foudre. Aujourd’hui, quelques cours de physique de l’atmosphère dans n’importe quelle université enseignent qu’il n’y a nul besoin d’un tel dieu.

De nos jours, de nombreuses personnes sont persuadées que le Dieu de la Bible n’est qu’un dieu des lacunes, un dieu qui s’estompe au fur et à mesure que la science progresse, comme le sourire du fameux chat d’Alice au pays des merveilles. Si notre définition de Dieu est celle d’un dieu des lacunes, si nous nous appuyons sur un bouche-trou, un élément non identifié qu’on invoque tant que l’on n’a pas trouvé d’explication scientifique à un mystère donné, alors oui, nous devons choisir entre Dieu et la science. Mais c’est notre manière humaine de concevoir Dieu qui nous force à faire un choix, et ce dieu-là n’a rien à voir avec le Dieu de la Bible. Une fois de plus, nous commettons une grossière erreur de catégorie. Werner Jaeger, éminent spécialiste des religions anciennes du Proche-Orient, a fait remarquer que tous les dieux des civilisations antiques sont décrits comme « issus des cieux et de la terre ». Ils sont le produit d’un chaos originel de masse et d’énergie et, par conséquent, leur nature est matérielle. Jaeger poursuit en disant que le Dieu de la Bible, le Dieu des Hébreux, lui, est décrit comme ayant créé les cieux et la terre. Il n’en est pas issu. Le Dieu de la Bible n’est pas un dieu des lacunes.

C’est le Dieu de tout ce qui existe. C’est le Dieu des parties de l’univers que nous ne comprenons pas et celui des parties de l’univers que nous comprenons. Remarquons que le début de la Genèse ne dit pas qu’« au commencement, Dieu créa les parties de l’univers que nous ne comprenons pas encore »! Ce n’est pas en améliorant nos connaissances scientifiques que nous pourrons rayer Dieu de l’équation. Croire cela, c’est une manière très limitée de voir les choses. Quand il a découvert la loi de la gravitation, Newton n’a pas dit: « Maintenant que nous avons la loi de la gravitation, nous n’avons plus besoin de Dieu ». Non, il a écrit Principia Mathematica, qui est sans doute le livre le plus célèbre de l’histoire de la science et dans lequel il dit combien il espère que ses calculs et ses observations pourront convaincre de l’existence d’un être divin. Quand un objet est particulièrement beau ou complexe, plus nous en savons sur lui, plus nous admirons l’esprit à l’origine de cet objet. Ceci est vrai pour la plupart d’entre nous. Plus nous en savons sur la peinture, plus nous sommes en mesure d’admirer le génie de Rembrandt, et non l’inverse. Plus nous en savons sur l’ingénierie, plus nous nous émerveillons devant l’œuvre d’un M. Rolls ou d’un M. Royce. Voilà pourquoi plus

Newton en savait sur le fonctionnement de l’univers, plus il admirait le génie du Dieu qui l’avait créé ainsi. Ce que nous devons retenir de tout cela, c’est que la science ne fait pas concurrence à Dieu en expliquant l’univers. Elle ne fait que donner un autre type d’explication.

Extrait de La science peut-elle tout expliquer? de John Lennox.