En tant que chrétien, si je suis un peu nerveux quand j’ouvre un livre qui critique mon point de vue, vais-je découvrir une objection fatale à laquelle je ne sais pas répondre, et qui va me forcer à tout repenser? Je suis peut-être encore plus nerveux à l’approche d’un livre qui propose de défendre mon point de vue.
Pourquoi? Parce que si c’est mal fait, je trouve que c’est encore pire qu’une critique compétente de mes idées: ça donne l’impression qu’il n’y a rien de mieux à dire, et que mon point de vue est indéfendable. C’est le désastre complet pour mon équipe.
C’est donc avec ce stress naturel que j’ai approché 12 raisons de ne plus croire au christianisme de Rebecca McLaughlin, qui se propose de répondre à 12 objections importantes contre la foi chrétienne. Alors, ce stress était-il nécessaire? À la lecture du livre, je suis ravi de rendre mon bilan de santé: mon stress de penseur chrétien est au plus bas!
En effet, il s’agit là d’une défense du christianisme particulièrement compétente, abordant avec brio ces 12 objections fréquemment offertes contre le christianisme: la science n’a-t-elle pas réfuté le christianisme? Le christianisme n’est-il pas homophobe? Comment un Dieu d’amour pourrait-il permettre autant de souffrance? etc.
Rebecca McLaughlin les soulève, reconnait leur piquant, et offre une réponse sensée et convaincante dans chaque cas. Malgré le format d’énumération qui tacle ces 12 questions les unes après les autres, une par chapitre, le style d’écriture de McLaughlin n’est jamais ennuyeux, et le livre se lit moins comme une liste de course, et bien plus comme une histoire. Une histoire qui vous emmène dans la littérature, dans la Bible, dans le passé, et dans plusieurs régions du monde présent. Elle emploie régulièrement des analogies percutantes, qui ont pour effet de désarmer les émotions négatives. Cette dimension esthétique parfois négligée dans une défense intellectuelle est ici joliment prise en compte, et capture l’imagination au-delà de l’intellect pur. Elle offre un plaidoyer rigoureux pour l’esprit et attrayant pour le cœur. Ainsi, c’est un livre qui se lit aussi bien sur la plage que dans une classe d’université. Certains débats apologétiques tels que la relation entre la moralité et l’existence de Dieu, ou le problème de la souffrance, peuvent rapidement tourner en discussions philosophiques très techniques, mais Rebecca les adresse de façon admirablement accessible.
Un autre aspect remarquable est l’authenticité et la vulnérabilité qui se dégagent de chaque chapitre. Rebecca McLaughlin ne prend pas les objections de haut, mais respecte leur importance, et prend ces raisons de douter très au sérieux. Elle admet parfois qu’elle sent elle-même leur force, ce qui met le lecteur en confiance: il ne s’agit pas d’une réponse à tout prix et sans concessions, mais bien d’un traitement pesé et raisonnable. Et lorsqu’elle offre ensuite les raisons de « croire quand même », c’est d’autant plus convaincant.
Quant au contenu de ses réponses, il s’avère fidèle à l’expression la plus naturelle du christianisme: celle qui prend Jésus et la Bible au sérieux, et ne cherche pas à réviser leurs enseignements pour faire plaisir aux sensibilités du XXIe siècle. En effet, une façon simple d’éviter les objections est d’accepter leur critique et de modifier les doctrines traditionnelles. Rebecca sent bien l’attrait de cette option, mais n’y cède pas, principalement parce qu’elle trouve qu’il est essentiel de préserver un christianisme tel qu’on le trouve enseigné par Jésus et ses apôtres, que ça soit facile ou pas. Ce qu’elle défend est bel et bien le christianisme biblique original, et le lecteur chrétien au sens historique appréciera cette fidélité. Le lecteur français appréciera par ailleurs que le christianisme qu’elle défend n’est pas purement anglais ou américain. Elle montre bien qu’il n’est même pas principalement occidental, dans ses tendances démographiques passées et futures. Elle rejette le cliché du christianisme en religion de l’homme blanc occidental, et recentre la foi chrétienne sur ses origines bibliques. À la bonne heure. Cette fidélité biblique vient aussi avec un sens critique: Rebecca McLaughlin vous aide à faire le tri. Certaines objections sont incorrectes, et certaines objections sont justes, mais n’impliquent pas que le christianisme soit faux. Elle exerce son discernement, et affirme ce qui est affirmable, tout en montrant que le chrétien est en mesure d’accepter la part de vérité. Encore une fois, tout cela établit la confiance avec le lecteur. Il ne s’agit pas d’une défense à tout prix et terriblement biaisée. C’est une défense solide, mais intelligente et mesurée.
Puisqu’il s’agit de répondre à des objections offertes contre le christianisme, le livre se présente sous la forme d’une apologétique défensive. Mais tel le judoka expérimenté qui utilise la force de son attaquant pour le déséquilibrer, Rebecca McLaughlin retourne souvent les objections et en fait des raisons de penser au contraire que le christianisme est vrai, pas juste des raisons de ne pas le penser être faux. Bien sûr, le lecteur chrétien ne sortira pas de sa lecture en se disant «voilà toutes les raisons qui supportent ma foi», mais plutôt «le christianisme s’en sort très bien dans les débats d’idées, et est intellectuellement bien respectable». Aucune des objections les plus fortes ne cause de dommage irréparable, et un chrétien intelligent n’est pas un paradoxe. Rebecca le montre par sa propre existence, et par ses réponses sensées aux objections difficiles.
Alors comment se fait-il que le livre ne soit pas dix fois plus gros? Chaque chapitre tacle une objection si importante qu’on pourrait écrire un livre entier sur chacune. Et à vrai dire, on a écrit un livre entier sur chacune. Beaucoup de livres entiers. Rebecca McLaughlin ne prétend pas retracer tous ces débats ici, mais adresse à chaque fois le cœur de l’objection, formulée par ses meilleurs partisans, et présente ensuite sa position chrétienne sous son meilleur jour. Elle cite des lauréats du prix Nobel, des grands écrivains et des professeurs d’universités prestigieuses des deux côtés du débat. Elle montre une conversation riche sur ces controverses, sans prétendre aller jusqu’au bout et mettre fin aux discussions. Elle en dit assez pour donner confiance que le christianisme s’en sort très bien.
Enfin, Rebecca McLaughlin tire des informations pertinentes de la psychologie et de la sociologie, pour ne pas défendre uniquement que le christianisme est vrai, mais également qu’il est bon. Bon pour nous, et bon pour le monde. Pour beaucoup, c’est un aspect essentiel de la défense de la religion: pourquoi s’intéresser à une apologie de la foi chrétienne, si celle-ci ne mérite pas d’être défendue? C’est là que le plaidoyer de Rebecca commence à bon escient au chapitre 1, et je vous invite à tourner cette page et lui prêter l’oreille avec attention. Reconsidérez les mérites et la pertinence de la foi chrétienne historique, et voyez comment elle résiste à ses critiques les plus aiguisées. Rebecca McLaughlin est un excellent compagnon pour cette visite guidée.
Préface du livre 12 raisons de ne plus croire au christianisme de Rebecca McLaughlin