Avez-vous déjà rêvé d’entrer dans les coulisses d’une maison d’édition? Si oui, vous tombez bien, car c'est justement ce que nous allons faire dans cette petite série de deux articles. Nous, les éditeurs, sommes férus de dictionnaires, c’est donc tout naturellement que je vous propose d’explorer notre métier de A à Z. Commençons avec les 13 premières lettres:

A comme approche

Attention, on commence fort avec cette première lettre! Nous allons parler de l’approche, l’occasion parfaite de faire connaissance avec le côté technique du monde de l’édition. En typographie, l’approche désigne l’espace perçu entre chaque caractère, qui permet de bien identifier chacun et donc de lire aisément. En jouant sur l’approche, on peut ainsi modifier la longueur d’une ligne ou d’un paragraphe, et ainsi éviter les césures interdites, les veuves et les orphelines. Très pratique!

À gauche: approche de -10; à droite: approche de 20.

Vous voyez la différence?

B comme BAT

Le bon à tirer est la dernière version du fichier envoyé à l’imprimeur! Pour s’assurer que tout est prêt pour l’impression, l’éditeur scrute sans relâche chaque détail: le nom de l’auteur est correctement orthographié, le code barre sur la 4e de couverture fonctionne bien, le titre sur le dos est dans le bon sens, la table des matières indique les bons numéros de page, les notes correspondent bien à leur renvoi, aucune ligne en bas de page ne comporte de césure, etc. Entre nous, on aime bien dire qu’un livre a été BATifié (prononcez « béatifier ») pour annoncer que l’étape d’édition est terminée.

C comme césures

Comme son étymologie nous le suggère, les césures sont des coupures. Lorsqu’une ligne se termine et qu’il n’y a plus de place pour écrire son dernier mot en entier, il est alors coupé en deux (généralement entre deux syllabes). Une partie du mot reste à la fin de la ligne tandis que le reste passe sur la suivante. Un tiret est ajouté en fin de ligne pour éviter de prendre la première partie restée en haut pour le mot entier – et éviter ainsi les confusions inutiles! Mais attention, on ne peut pas faire n’importe quoi avec les césures. Certaines sont interdites: celles des noms propres, par exemple, et celles situées en fin de page... Qui est capable d’attendre que la page se tourne et que les yeux remontent tout en haut de la prochaine page pour lire la fin d’un mot ainsi défiguré? Ce serait un suspense insupportable, n'est-ce pas?

D comme DES

Le dictionnaire électronique de synonymes du CRISCO est un de nos outils préférés! Précieux pour trouver la meilleure formulation, le verbe le plus éloquent, l’adjectif le plus expressif, ou le nom le plus précis! Personnellement, j’ai toujours un onglet ouvert sur ce site, et j’ai même du mal à m’en passer dans ma vie de tous les jours !

Si vous souhaitez utiliser ce formidable outil, rendez-vous ici :

Mais aussi, D comme dos

Quand on parle d’un livre, on aurait tendance à penser que son dos, c’est la face arrière du livre. Mais pas du tout! Le dos, c’est la partie de la couverture qui fait la « tranche » du livre, entre la première de couverture (face avant) et la quatrième (face arrière). Sur le dos on retrouve généralement le titre de l’ouvrage, son auteur et le logo de la maison d’édition! C’est une pièce très importante, car elle permet d’identifier le livre lorsque celui-ci est rangé dans la bibliothèque! Fun fact: sur les livres en français, le texte du dos est à l’endroit lorsque le livre est posé « face contre terre », alors que pour les livres en anglais, c’est l’inverse!

E comme éditeur

L’éditeur est celui qui suit le projet de A à Z. Toute l’équipe d’édition choisit ensemble les prochains livres à publier, puis chacun est attribué à un éditeur. C’est son travail de suivre toutes les étapes de création du livre:

  • accompagnement de l'auteur dans l’écriture (ou la réécriture) de son manuscrit;
  • contrôle de la qualité de la traduction des livres traduits; relectures scrupuleuses pour vérifier et perfectionner la structure du livre, la logique du développement et la clarté du texte;
  •   choix de la couverture;
  • écriture de la 4e de couverture;
  • vérification attentive de la mise en page… jusqu’à l’envoi en impression.

Le travail de l’éditeur, c’est de s’assurer que chaque livre soit le meilleur qu’il puisse être!

F comme folio

Le folio, c’est le nom technique du numéro de page. Qu’il soit placé en bas de page ou en haut, centré ou sur le bord extérieur de la page, grâce à lui, on sait toujours où on en est. Avez-vous déjà remarqué que les nombres impairs sont toujours sur les pages de droite, et les pairs toujours sur les pages de gauche? Alors… gare aux impairs!!

G comme gabarit

Le gabarit de mise en page est en quelque sorte un bac à sable. C’est une version réduite du fichier de mise en page (2 ou 3 chapitres) qui permet au graphiste de travailler sur une portion seulement du texte afin de définir le style de chaque élément : quelle police de caractère choisir pour le corps du texte? Quel effet appliquer aux titres de chapitre? Où placer les folios? S’il y a des questions en fin de chapitres, comment les séparer visuellement du corps du texte? Une fois que le gabarit est validé par l’éditeur, le reste du texte peut être « coulé » dedans. Le graphiste va alors appliquer tous les choix de mise en page à l’ensemble du texte.

H comme haute voix

Voilà le meilleur outil de travail d’un professionnel de l’écrit ! Que l’on soit auteur, traducteur, éditeur ou relecteur: la clé est toujours de lire le texte à haute voix. Dès que ça « sonne bizarre », il faut retravailler, jusqu’à ce que le texte coule tout seul quand on le lit.

I comme ISBN

L’ISBN est le numéro d’identification du livre, unique à chaque ouvrage. On le retrouve sur la quatrième de couverture, associé au code-barres, et aussi à l’intérieur du livre, sur la page de copyrights. Le saviez-vous? Un livre au format numérique (e-book) et un livre audio possèdent chacun leur ISBN, différent du format papier!

J comme justification

Dans nos livres, la justification désigne souvent une doctrine théologique. Mais ici, je vais vous parler d’une technique de disposition du texte.  Cette technique en cache en fait deux:

  • La justification horizontale (la plus connue) répartit les caractères de chaque ligne pour que chacune ait la même longueur, créant ainsi un joli paragraphe bien uniforme.
  • La justification verticale répartit les lignes pour qu’elles occupent toute la hauteur de la page, là aussi, le rendu se veut lisse et uniforme. On utilise cette technique seulement une fois que le texte est définitif, dans les dernières étapes d’édition, c’est-à-dire juste avant de donner le BAT. C’est le petit détail que l’on ne remarque pas, mais qui fait toute la différence 😊
Double page avec justification verticale dans Ruth pour toi (Merida)

Double page sans justification verticale dans Ruth pour toi (Merida)

Alors, vous arrivez à voir la différence?

K comme *koquille

Après m’être kreusé la tête et arraché preske tous mes cheveux, j’ai dû me rendre à l’évidence: je n’avais aucun mot à mettre dans cette katégorie! Alors pour l’honorer tout de même, j’ai choisi de faire saigner mes yeux (et j’espère, les vôtres) pour vous parler du pire cauchemar d’un éditeur… Savez-vous ce que c’est? Les petites (voire les grosses) fautes de frappe restées dans un livre une fois que celui-ci est parti chez l’imprimeur! Un peu que cette coquille soit sur la couverture, et c’est le drame! Après avoir pourtant vérifié et revérifié le BAT une bonne dizaine de fois, là, dans ses mains qui portent le livre nouveau-né, l’abominable coquille lui saute aux yeux! Vous avez devant vous un éditeur inconsolable… jusqu’à la prochaine impression qui verra la coquille corrigée. Ouf! Mais jamais, ô grand jamais, il n’oubliera les exemplaires erronés perdus dans la nature, leur souvenir viendra hanter ses nuits pour le reste de sa carrière… !

L comme lettrage

Le lettrage est une technique d’écriture manuscrite du texte qui consiste à le dessiner. C’est principalement dans les livres enfants que nous retrouvons des lettrages, sur la première de couverture, mais aussi à l’intérieur du livre.

M comme MEP

Comprenez « mise en page », c’est l’étape à laquelle le texte est *roulement tambours* mis en page! Dans les premières étapes du travail éditorial, le texte du livre est contenu dans un fichier Word, mais il ne ressemble pas encore vraiment à un livre. Il existe bien sûr une mise en page sur Word, mais celle-ci est surtout fonctionnelle. C’est le travail du graphiste d’opérer la grande transformation pour créer un joli fichier qui pourra ensuite être imprimé. À l’aide de son fidèle compagnon, j’ai nommé l’incontournable logiciel InDesign, le graphiste donne au texte toutes les caractéristiques qui feront de lui un vrai livre.

Découvrez les 13 prochaines lettres dans la partie n°2 de cette article juste ici!