La tristesse d’essayer de bâtir une vie (et un monde) sans Dieu

Pour certains, le fait de retirer Dieu de l’équation allège la douleur. La souffrance est une réalité incontournable. Elle n’a pas de sens, pas de raison, pas d’espoir. Inutile de continuer à chercher une explication en lisant le marc de café.

Cette approche peut nous sembler mature au premier abord: donnez à votre vie le sens que vous voulez et ne vous attendez pas à ce qu’une force supérieure vole à votre secours ou se soucie de vous. Stephen Hawking, lui qui a vécu avec une pathologie invalidante des neurones moteurs pendant toute sa vie adulte, croyait que le cerveau n’était qu’un ordinateur qui cesse de fonctionner lorsque ses composants sont défaillants:

«Il n’existe ni paradis ni vie après la mort pour les ordinateurs en panne; ce n’est qu’un conte de fées pour ceux qui ont peur du noir».

De nos jours, bon nombre d’athées sont attachés à l’humanisme. Ils croient en l’esprit humain, en la capacité de l’homme à progresser, à la créativité et à l’amour, tout cela sans recourir à «l’hypothèse de Dieu». La séquence implacable de Darwin – « ni dessein, ni but, ni bien, ni mal» – met en lumière un problème de taille. Cette vision sombre de l’univers érode les fondements sur lesquels nous construisons la vie et notre humanité. Si le bien et le mal n’existent pas, pourquoi nous lamentons-nous? Si notre compassion pour les autres n’est qu’un sous-produit de la parenté découlant du processus évolutif, pourquoi sympathiser avec la souffrance de ceux qui n’appartiennent pas à notre tribu? Et si l’image de soi n’est qu’illusion, le sens de la vie face à la souffrance disparaît aussi vite que notre autorité morale. L’ironie au cœur de l’humanisme séculier moderne, c’est que ses porte-parole – comme Sam Harris – croient autant aux êtres humains qu’ils croient en Dieu: fondamentalement, les deux ne sont qu’une illusion. Prendre l’équation de la souffrance et en retirer l’élément du sens ne nous aide pas à résoudre l’énigme; au contraire, c’est notre humanité qu’on détricote.

Cette vision n’est pas le résultat inévitable de la science. Armé de la même conviction scientifique mais de croyances différentes en Dieu, Simon Conway Morris, paléobiologiste à l’université de Cambridge, pose la question différemment:

« Supposons que la structure morale, la voix éthique […], la soif inassouvissable d’un monde rendu bon ne soient pas les fantasmes d’un singe déraciné, mais plutôt les panneaux indicateurs qui pointent vers les réalités profondes dans lesquelles notre destinée serait impliquée».

L’athéisme supprime cette espérance. Nous ne sommes que des enfants qui construisent des châteaux de sable face à une marée inlassable – ou plutôt non, nous ne sommes pas des enfants, mais des ordinateurs s’imaginant être des personnes. La lauréate du prix Pulitzer Marilynne Robinson explique ainsi que «l’approche matérialiste de la réalité est si tyrannique qu’elle considère tout ce qu’elle est incapable de comprendre de par ses limites comme inexistant. Par exemple, la nature humaine».

Extrait de 12 raisons de ne plus croire au christianisme de Rebecca McLaughlin

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