Souvenir de catéchisme

Comme beaucoup d’élèves en France, j’ai suivi, plus ou moins consentant, une scolarité catholique, jusqu’à ma première communion. Trente-cinq ans après, peu de souvenirs me restent… si ce n’est un moment précieux. Une parole de la religieuse qui nous préparait à la cérémonie. Nous l’écoutions, à moitié avachis sur nos pupitres en bois, quelques-uns jouant avec l’encrier en métal dans le coin.

Je crois qu’elle a compris à quelle classe elle avait à faire, car elle s’est mise à changer de stratégie.

Elle a commencé à baisser la voix – augmentant d’autant plus notre curiosité. Puis, après avoir capté notre attention, elle a dit, presque dans un souffle : « Dieu ! [Silence.] J’ose à peine murmurer ce mot tant j’ai peur de le prononcer à la légère. Il est impossible de comprendre tout ce que “Dieu” représente… Il y a tant de mystère, tant d’amour et de justice, tant de sainteté et de pardon, tant de force et de grâce en lui ! ». Et elle prononçait de nouveau « le mot divin » avec une retenue si intense, avec un tel respect et une telle admiration que j’en restais bouche bée : « D I E U ! ».

Dieu nous dépasse. La grandeur de son amour et de sa justice nous dépasse. Et nous serions bien sots de croire que nous avons déjà tout appris de lui. Même dans l’éternité, nous continuerons à le connaître et à l’aimer toujours plus : « D I E U ! ».

Au-delà de mon salut

Mesurons-nous toute la grandeur de la personne et du plan de Dieu ? Nous avons parfois une tendance à réduire l’Évangile au pardon des péchés. Nous résumons un peu trop la bonté immense de Dieu à… son amour pour nous. Ou plutôt : à son amour pour moi. Un décalage s’opère alors. Le personnage central n’est plus Dieu, glorieux souverain qui trône sur toute sa création, mais moi qui suis tellement aimé par mon Créateur !

Certes, je pleure sur mon péché et reconnais en Christ mon Sauveur et mon Seigneur personnel. Mais c’est toujours moi qui semble trôner au cœur de l’histoire de la rédemption. Sans le penser aussi explicitement, avouons que les choses « fonctionnent » souvent ainsi. Il est facile de réduire la Bible à nos besoins personnels. De louer Dieu parce qu’il a « un plan pour moi ».

Mon Évangile rien qu’à moi

Imaginons que nous observions l’Évangile sous deux angles : le gros plan et la vue panoramique. Le gros plan exalte Dieu pour son amour pour chacun d’entre nous personnellement. La « vue panoramique » exalte la grandeur de Dieu dans son plan de restauration universelle (Romains 8 : 20-22). « Ces deux angles d’observation nous […] donnent une vision plus juste [de l’Évangile]. Lorsque nous les dissocions, nous allons insister excessivement sur l’un et négliger ou rejeter totalement l’autre […]. Si nous ne voyons que le côté personnel de l’Évangile, nous risquons d’oublier le cadre plus large de la mission du Seigneur. Cette erreur peut nous conduire à considérer l’Évangile comme privé » (M. Chandler).

Que se passe-t-il lorsque nous réduisons l’Évangile à notre relation personnelle avec Dieu (en négligeant son plan rédempteur de faire toutes choses nouvelles) ? Nous n’entendons plus l’appel de Dieu à transmettre la bénédiction de l’Évangile à ce monde qui souffre de toutes les injustices inimaginables. Nous nous contentons de louer Dieu pour ce qu’il a fait « pour moi » (ou « pour nous », lorsque nous nous retrouvons à plusieurs). Bien entendu, nous voulons de tout cœur le glorifier ! Mais nous pensons que la seule façon de le faire est de bien nous comporter dans tous les aspects de notre vie. Encore « moi ».

En nous arrachant au péché, le Christ initie un mouvement de transformation spirituelle et sociale, individuelle et collective. Notre salut personnel est un maillon de cette réaction en chaîne. Mais en nous concentrant sur l’individuel seul, nous rompons la chaîne de transformation prévue par Dieu. Nous oublions que si nous avons été bénis, c’est pour, à notre tour, être une bénédiction pour ceux qui ne connaissent pas encore ce salut.

Quels disciples l’Église forme-t-elle ?

Un danger majeur plane sur les Églises centrées sur elles-mêmes et sur le gros plan de l’Évangile (notre relation personnelle). En négligeant l’œuvre de réconciliation de Dieu avec toutes choses, elles oublient de prendre part aux souffrances de ce monde, d’y apporter la guérison spirituelle et la justice sociale. C’est d’ailleurs en nous impliquant dans ce monde et en montrant des signes du royaume que nous devenons réellement des disciples matures. Paradoxalement, c’est en nous oubliant, en ne vivant plus pour nous-mêmes que nous portons le plus de fruits à la gloire de Dieu (Jean 12 : 24). L’Esprit prend enfin les commandes et nous forme à la ressemblance de Christ.

À l’inverse, c’est en conservant – précieusement et avec une reconnaissance sincère – la bénédiction de Dieu « pour moi » que nous appauvrissons le potentiel quasi infini que Dieu a créé en venant habiter en nous. Or, nous sommes bénis pour bénir notre entourage et jusqu’à « toutes les nations ». « Nous ôtons ainsi à la définition biblique du véritable disciple l’une de ses principales composantes. […] Devenir un disciple n’est alors plus une manière de vivre, mais juste une réception d’informations. […] C’est ainsi qu’une Église peut faire de la confession et de la repentance non pas une éthique à vivre, mais de simples vérités à défendre » (M. Chandler).

Nous pourrons toujours nous réjouir des vérités de l’Évangile, mais sans un réel attachement pour la personne du Christ. Sans partager pleinement sa passion : susciter des adorateurs du Père là où il n’en existe pas encore.

Sortons de nous-mêmes et « allons » !

Certes, « Jésus serait mort pour toi, même si tu n’étais que le seul être humain sur terre », mais la réalité, c’est que nous ne sommes pas seuls ! Nous plaçons inconsciemment et constamment toutes choses sous la seigneurie de nos intérêts (ce que les spécialistes nomment « notre égoïsme psychologique »). Repentons-nous de cette attitude pécheresse cachée, comme David demandait pardon pour les péchés qu’il ignorait (Psaume 19 : 13 ; cf. Psaume 90 : 8 ; Job 34 : 32). Demandons à Dieu de nous sauver d’un Évangile trop personnel (celui qui plaît à notre individualisme). Résistons à la tentation de placer l’homme au centre du récit rédempteur. À la tentation de remplacer l’histoire de la gloire de Dieu par notre propre histoire de pécheur pardonné. Que notre Évangile ne serve pas l’homme, mais qu’il exalte Dieu, pour que son nom soit connu et aimé partout.

Puis sortons ! Allons et participons au grand plan de la réconciliation de Dieu avec toutes choses (Éphésiens 1 : 10). Que notre présence, sanctifiée par l’Esprit, se fasse réconciliatrice (2 Cor. 5 : 20). Nous verrons alors des Églises entières transformer la société où Dieu les a placées. Obéir au mandat missionnaire. Et la gloire de Dieu couvrira la terre comme les eaux couvrent la mer (Ésaïe 11 : 9) !

Devrions-nous pour autant nous empresser de vivre la « vue panoramique », comme le nomme Marc Chandler dans son livre ? Méfions-nous, l’autre excès n’est pas moins dangereux… c’est ce que nous verrons dans un prochain article.

  • Avez-vous parfois l’impression de stagner dans votre vie de disciple ? Quelles en sont les causes à votre avis ?
  • Entendez-vous régulièrement des prédications ou des enseignements sur la « vue panoramique » ?
  • Avez-vous réfléchi, en tant qu’Église, à votre impact sur votre quartier, votre ville, voire sur les ethnies non-atteintes ?

Matt Chandler, L’Évangile, tout l’Évangile, rien que l’Évangile, 288 p.
Paru en juin 2017.